Signature agence vs notaire
Il est possible en droit français de signer en agence une promesse ou un compromis de vente rédigé par un agent immobilier. On peut aussi demander à un cordonnier de faire des transplantations cardiaques, à un lanceur de javelot d’obtenir le prix Nobel de chimie, ou à un Suisse de faire du one-man show.
Pour ma part, en matière d’immobilier, je préfère faire rédiger et signer mes actes, promesses et actes authentiques, chez un notaire plutôt qu’en agence, mais ce choix n’engage que moi et je suis certain que certains agents sont très compétents pour ça.
Bien choisir son notaire
Concernant le choix du notaire, il est possible de prendre le même que celui du vendeur, ou le nôtre si l’on a déjà un notaire de confiance, ou même de demander au vendeur qu’il passe par le nôtre. Il faut s’avoir d’abord que les notaires aiment moins être à deux sur une vente, surtout d’un petit montant, parce que cela implique un partage des honoraires notariaux et des aller-retours incessants par mail entre les deux études notariales.
Avoir deux notaires sur une transaction retarde souvent la signature et peut parfois faire capoter la vente, notamment si les notaires en question communiquent mal entre eux. C’est souvent le cas, quoi qu’on en dise, des notaires parisiens vs notaires « de province », cf. point suivant.
Un seul ou deux notaires ?
En théorie, les notaires sont des professionnels neutres et non-biaisés en faveur de l’une des parties - un seul devait donc suffire. Dans les faits pourtant, le notaire vendeur aura une tendance toute naturelle à favoriser son client dans la négociation des clauses, et le notaire acheteur à défendre en priorité l’investisseur. Le cas le plus typique concerne la négociation du montant du dépôt de garantie/indemnité d’immobilisation mis sous séquestre chez le notaire.
Théoriquement de 5% du prix (jusqu’aux 10% théoriquement dus) à verser au notaire à la signature ou dans les jours qui suivent, un notaire qui aura les intérêts de l’acquéreur à cœur fera tout pour minimiser ce montant à verser, jusqu’à le ramener à 0 dans le meilleur des cas, quand le notaire vendeur aura tendance à sécuriser son client en maximisant ce montant.
Bref, si l’on est pressé, il faut prendre le même notaire que le vendeur, mais enquêter un minimum sur sa réputation, en demandant aux acteurs immobiliers locaux par exemple. Si l’on a besoin de se sentir davantage protégé, il faut choisir son propre notaire.
Il n’y a pas de comparateur de notaires en ligne, donc mieux vaut fonctionner par recommandations de tiers de confiance, de proches. Et être sûr que le notaire choisi a l’habitude des immeubles de rapport par exemple, qui restent un type de bien assez spécifique avec des règles urbanistiques propres.
Tester un notaire
Le meilleur test pour évaluer un notaire dans ce domaine est de lui demander s’il peut prouver que les lots de l’immeuble sont cadastrés ou s’il peut fournir un relevé de matrice cadastrale. Autre test : lui demander s’il peut rédiger un compromis « acte en main », c’est-à-dire avec les frais passés charge vendeur et intégrés au prix pour minimiser l’apport bancaire, pour vérifier qu’il a l’habitude de travailler avec des investisseurs locatifs.
Il faut qu’il soit disponible, réactif, prêt à défendre vos intérêts. Qu’il soit ouvert à la rédaction de clauses protectrices custom, qu’il soit prêt à négocier en votre faveur auprès du notaire vendeur une indemnité d’immobilisation minimale à verser sous séquestre. En cas d’hésitation, changez de notaire.
Encore une fois, les us et coutumes notariaux ne sont pas les mêmes à Paris et en province et souvent, mettre un notaire parisien sur un deal excentré peut créer pas mal de frottements culturels qui ralentissent la signature. D’autant que la taille des deals parisiens est souvent bien supérieure à la taille d’une transaction en province. Les notaires sont payés en pourcentage du prix donc auront une tendance naturelle à ne pas prioriser les petits immeubles de rapport par rapport aux gros appartements parisiens. Or en matière notariale, la réactivité est essentielle.
Faut-il laisser faire les notaires ?
Un conseil, ne pas trop laisser les notaires en roue libre et checker que certains points essentiels figurent dans l’acte :
- La description de l’état locatif de l’immeuble (nom des locataires, désignation des lots, type de bail, loyer, surface, charges) ;
- Que le compromis indique clairement que les lots sont cadastrés ou que la division a été autorisée par l’urbanisme (et que les documents qui le prouvent figurent en annexe, comme le relevé de matrice cadastrale) ;
- La destination et l’usage des différents lots de l’immeuble (surfaces résidentielles, commerciales, etc.) ;
- Les conclusions des diagnostics obligatoires ;
- La présence ou l’absence d’impayés, retards de loyer ou tous litiges locatifs doivent impérativement faire l’objet d’une déclaration explicite et engageante du vendeur afin de le responsabiliser juridiquement ;
- Que l’indemnité d’immobilisation à verser sous séquestre au notaire soit d’un montant inférieur à 1-2% du prix du bien, voire nulle ;
- Qu’une faculté de substitution soit prévue ;
- Que le délai pour trouver le financement soit supérieur ou égal à 60 jours.
Notons qu’en cas de signature en agence, les compromis sont des templates extrêmement rigides et laissent peu de marge de manœuvre pour customiser le contenu et les clauses, contrairement à un acte rédigé par notaire et signé en son étude, customisable à souhait.