Il y a trois types d’investisseurs dans le monde : ceux qui savent compter et ceux qui ne savent pas compter.
Non, je reprends. Il y a deux types d’investisseurs dans le monde : ceux qui investissent près de chez eux, et ceux qui investissent là où la rentabilité locative rapportée au risque est la plus intéressante.
Les premiers n’ont pas besoin de conseils, pour les autres, voici comment faire.
Choisir une ville pour son investissement locatif
Le choix de l'emplacement de votre investissement locatif doit être guidé par la combinaison du rendement et de la tension locative de la ville où vous souhaitez investir.
Un investisseur se constituant un patrimoine long terme ne choisit sa ville ni au doigt mouillé, ni par affinités familiales ou proximité géographique. Un investisseur rationnel s’appuie sur la data pour choisir sa ville. La data dites-vous ? Oui, la data. Prenons Nice.
Ça se fait en 4 étapes :
- Je regarde le prix au m2 de la ville sur le site Meilleurs Agents : 4.042€/m2
- Je regarde le loyer mensuel au m2 de la ville sur le site Meilleurs Agents : 15,2€/m²
- Je fais le ratio du loyer annualisé rapporté au prix au m2 pour obtenir le rendement brut moyen de la ville : (15,2€ x 12 mois) / 4.042€ = 4,51% de rendement brut à Nice. Rappelons qu’il faut avoir 8-10% de rendement minimum pour qu’un investissement immobilier locatif soit parfaitement autofinancé
- Je vérifie le niveau de la demande locative à partir d’un fournisseur de data fiable, en l’espèce : le tensiomètre locatif de Locservice (google it), qui donne une note de 4/9 à la tension locative niçoise (où 1 = Très difficile pour un locataire de trouver une location, et 9 = très facile pour un locataire de trouver une location)
On se rend compte que Nice - ville très agréable par ailleurs - a un rendement locatif… moyen, et une demande locative… pas si dingue.
A titre de comparaison, Lille, moins ensoleillée certes, a un rendement brut moyen de 5,22% et une note de tension locative maximale à 1/9. C’est déjà mieux.
En utilisant la data disponible on peut se construire un Excel et quelques filtres pour trouver la ville qui a à la fois un fort rendement locatif et, en même temps, comme disait Macron, une tension locative importante.
On pourra rajouter des critères (disponible sur le site de Meilleurs Agents ou de l’INSEE) comme le nombre d’habitants, le taux de chômage, le revenu médian, et continuer à filtrer.
L’idée évidemment est de faire mieux que le rendement locatif brut moyen de la ville, mais plus on commence bas plus il va être compliqué d’atteindre les 8-9% nécessaires à un parfait autofinancement de l’investissement locatif (revenus locatifs > mensualités + charges).
La proximité de la ville en question par rapport à son lieu de résidence principale importe moins dans le cas où la gestion locative est entièrement déléguée à un gestionnaire local.
Choisir un quartier pour son investissement locatif
On garde cette approche top-down, c’est-à-dire qu’on part d’une vue macro puis on zoome progressivement sur la data micro : ville => quartier => rue. Pour le quartier, c’est exactement le même principe que pour le choix de la ville.
On tape le nom du quartier, par exemple « Lille Wazemmes Meilleursagents » sur Google, et on clique sur le premier lien pour avoir le prix au m2, le loyer au m2, et donc le rendement brut moyen du quartier en divisant les deux.
Par exemple, pour le quartier Wazemmes à Lille : 3.400€/m2 pour un loyer mensuel de 15,3€/m2 soit un rendement brut annuel de 5,4%, Vs 4,19% pour le quartier Vieux Lille par comparaison.
On peut rajouter un peu de qualitatif à cette analyse en appelant un ami local, ou un agent immobilier du coin au hasard, pour demander ce qu’il pense du quartier en question en termes de potentiel.
On regarde où sont les lieux importants au sein du quartier : facs, écoles, centres commerciaux, supermarchés, mairie, lieux de divertissement. Et surtout les transports en commun.

Choisir son immeuble
J’oubliais presque, comment trouver l’immeuble lui-même ? Par deux moyens : le online, et le offline. Je mets de côté les canaux baroques comme les ventes domaniales ou l’achat d’immobilier sur la blockchain.
Le offline ce sont nos réseaux : la cousine qui vit à Angers, marié à un notaire, qui voit passer des choses. Tel agent local qui m’a mis sur sa liste de clients prioritaires en « off-market ». Mon comptable, mon courtier, mon artisan, mon coiffeur, mon dentiste, ma banquière : tous voient passer des deals et sont des canaux de sourcing à exploiter.
Contrairement à une croyance populaire, les meilleures opportunités ne sont pas forcément offline.
Le online, c’est Seloger, et Leboncoin. Éventuellement PAP, et autres. Pas besoin de chercher un deal « direct vendeur » à tout prix, l’agent immobilier a le mérite de faire pression sur le vendeur pour qu’il baisse son prix, afin que l’intermédiaire puisse vendre plus rapidement et toucher ses honoraires.
A l’inverse, le vendeur désintermédié, souvent connaisseur ou semi-professionnel lui-même puisqu’il n’a pas besoin d’agent, n’aura pas été raisonné par un intermédiaire et aura tendance à vendre au prix fort, faisant oublier l’absence de frais d’agence.
On peut en outre s’aider d’outils de tracking qui analysent automatiquement chaque annonce, comme l’excellent plug-in de Castorus par exemple (il en existe d’autres).
Pour le online, pas de secret, il faut se faire l’œil, connaître et comprendre son marché locatif. Voir défiler une centaine d’annonces et se créer des benchmarks, des repères, des référentiels de prix et de renta. Programmer des alertes. Être réactif. En appeler beaucoup. En visiter un maximum. Faire marcher notre machine learning d’être humain. Sympathiser avec les vendeurs et les agents immobiliers. Formuler une offre d'achat sous le prix, ou au prix. Aller sur place, analyser, se rétracter, continuer. Parler aux acteurs locaux pour sentir l’évolution du marché.
On peut aussi déléguer cet effort de sourcing à un professionnel quand on n’a pas le temps, surtout si les visites en question impliquent des aller-retours Paris-Marseille en semaine.

L’emplacement face au choix fiscal
Le choix de l’emplacement est parfois contraint par les avantages fiscaux qu’on y retire. Vous cherchez à réduire vos impôts ? Les vendeurs de Pinel ou de Censi Bouvard vous emmèneront chercher un avantage fiscal risqué dans des zones désertes.
Il existe des façons bien plus propres de tirer une réduction d’impôt en investissant dans le locatif sans sacrifier la qualité du sous-jacent immobilier.
Le régime fiscal de la location nue, souvent oublié, implique de déclarer ses revenus locatifs dans la catégorie des revenus fonciers. Il permet, avec des travaux, de générer un déficit foncier déductible de son revenu imposable global jusqu’à 10.700 € par foyer et par an.
On peut donc obtenir une réduction d’impôt tout en investissant dans l’immobilier ancien, sans être contraints d’acheter dans les zones précaires imposées par des programmes de défiscalisation qui le sont tout autant.
Autre contrainte fiscale sur le choix de l’emplacement : la stratégie de location adoptée. Certaines villes se prêtent plus à la location meublée, comme les grandes villes étudiantes. Dans d’autres villes à faible turnover et souvent plus rentables, la location meublée ne marche pas et seuls une location nue trouve son marché locatif.
Or le régime fiscal choisi détermine le type de location que l’on peut pratiquer, et inversement. Voici un tableau simplifié:

L’emplacement face au choix bancaire
C’est plus anecdotique mais on voit parfois des investisseurs pourtant sensibles à la data et aux arbitrages locatifs qui se restreignent à une zone précise plutôt qu’une autre pour des raisons de… crédit immobilier.
Pour deux raisons, la première est parce que nous avons presque tous une agence bancaire familiale dans notre ville natale qui abrite les comptes de toute la famille, avec un conseiller bancaire prêt à dérouler le tapis rouge pour peu qu’on investisse dans son périmètre de délégation, quand la banque parisienne ne sera pas forcément aussi clémente.
La deuxième est parce que certaines banques ont une cartographie interne des zones qu’elles acceptent de financer ou non.
J’ai été surpris d’essuyer un refus de prêt de mon agence Crédit Agricole de Paris parce que l’investissement locatif était au Havre, ville blacklistée en interne, alors que ma colocation au Havre marche très bien !
Pour mieux investir dans l’immobilier locatif, il suffit de remplacer l’expression “emplacement, emplacement, emplacement” par “data, data, data”.
Pour les investisseurs se constituant un patrimoine long terme, la familiarité avec un emplacement n’est pas une mauvaise chose, mais rien ne remplace une analyse statistique du marché locatif.
Cette démarche scientifique de l’investisseur doit tenir compte des contraintes bancaires ou fiscales.
Pour réussir un investissement immobilier locatif il ne suffit donc pas, comme le chante Pocahontas, “d’écouter son coeur”.